1. Les carences de l’infrastructure au Liban constituent de l’avis unanime un obstacle majeur au progrès économique et social – des carences qui n’épargnent aucun secteur, des transports à l’énergie, l’eau, l’assainissement, et l’environnement.Des solutions durables doivent être apportées à la mise à niveau de l’infrastructure indispensable à la croissance. Cette note examine le problème des transports.
  2. Le problème des transports au Liban est complexe, et sa solution sera difficile et onéreuse. Les causes de l’asphyxie routière sont nombreuses et requièrent des approches qui vont au delà des mesures classiques d’élargissement de voies, de construction de passages à niveau, d’observation plus stricte du code de la route (s’il en est!), et d’organisation du stationnement. C’est en premier lieu la concentration de 80% de l’activité économique nationale dans le grand Beyrouth qui définit le mode et la topologie des déplacements et de la circulation. Les centres d’activités – administrations, commerces, bureaux et ateliers – aux horaires divers, souvent ne sont pas distincts des quartiers résidentiels. Les travailleurs se meuvent en tous sens et directions aux heures de pointe et au delà, qui des quartiers centraux de la ville vers sa périphérie, qui en sens inverse! Tant que l’essentiel de l’activité économique restera concentré dans la capitale et sa banlieue, les mesures d’aménagement d’usage amèneront une amélioration certes, mais pas de solution radicale au problème des transports. La solution durable dépendra en grande partie de la décentralisation de l’activité économique et de sa localisation de façon plus équilibrée sur l’étendue du territoire national.
  3. Avec une population dense répartie sur 10.000 km²,le Liban-nation, présente les caractéristiques d’une “cité-nation”. En somme une grande agglomération urbaine qui aurait la superficie de Washington (dont elle dépasserait la population de 10%), ou de la Grande Couronne de Paris (dont elle représenterait 40% de la population). Cet “espace urbain” pourrait et devrait être relié par un réseau de transport de surface routier, ferroviaire, et maritime qui permette l’intégration économique effective de toutes les régions du pays. Un tel réseau consisterait des installations suivantes:

  • Un axe routier majeur le long du littoral méditerranéen allant de Arida au nord à Naquoura au sud; un axe parallèle Nord-Sud dans la Békaa allant du Hermèl à Hasbaya et Bint Jbeil au Sud; et un nombre de voies rapides transversales à travers le Mont Liban reliant les deux axes majeurs Nord-Sud. Le coût de ce réseau, qui consisterait d’environ 650km de routes à quatre voies, se monterait à US$6,5 milliards (dans l’hypothèse d’un coût de US$2,5 million/km de voie), soit une dépense annuelle entre US$1,1 et US$1,6 milliard si le réseau est complété en une durée de 4 à 6 ans. Des tronçons à péage pourraient être prévus pour défrayer le coût de l’investissement.
  • Un réseau ferroviaire comprenant une ligne Nord-Sud le long du littoral, et la réhabilitation de l’ancienne ligne Beyrouth-Damas pour relier le Liban, au delà de Syrie, à la Turquie et l’Europe vers le Nord et l’Ouest, et à l’hinterland arabe vers le Sud et l’Est.
  • Une ligne maritime le long du littoral avec ancrage aux ports de Tyre, Saida, Beyrouth, Jounieh, Byblos, et Tripoli, qui pourrait accommoder à des coûts attractifs une partie du trafic passager et marchandise entre les agglomérations du littoral durant trois des quatre saisons de l’année en cette partie du monde au climat dans l’ensemble clément.

Les lignes ferroviaire et maritime contribueraient à détourner une partie du trafic poids lourds, libérant ainsi une partie de la capacité du réseau routier largement saturé.

  1. Ainsi relié par un réseau de communications efficace, le Liban, cité-nation de modeste superficie, pourrait décentraliser son économie et « délocaliser » une partie de ses activités en dehors de la capitale et sa banlieue. De nouveaux centres d’activité économique pourraient alors s’établir dans les grandes villes du littoral (Tyr, Saida, Damour, Jounieh, Jbeil, Batroun, Tripoli), et de l’intérieur (Nabatiyeh, Baalbek, Zahlé, Zgorta, Aley, Baakline, Koubayate, Marjeioun) ainsi que dans d’autres villes et chefs-lieux de circonscriptions.L’établissement de nouvelles activités dans ces locations serait moins onéreux que dans le grand Beyrouth ne serait-ce que du fait du différentiel des coûts fonciers. Les dépenses en infrastructure (eau, assainissement, et environnement) seront de même plus faibles qu’à Beyrouth où  l’accroissement de la capacité des installations déjà saturée ne se fait qu’à des coûts prohibitifs.
  2. La qualité de la vie, l’environnement et le cadre du travail dans ces nouveaux centres d’activité seront meilleurs que les conditions prévalant à Beyrouth. En plus de ses avantages directs, ce modèle a des effets bénéfiques induits, car il est probable alors – en particulier dans un pays de modeste superficie – que le citoyen préfèrerait s’établir et travailler dans sa région d’origine, ce qui est source de satisfaction personnelle, et d’un bénéfice social et économique certain, quoique difficile à quantifier. De ce fait les travailleurs n’en seraient que plus heureux et, toute chose égale par ailleurs, plus productifs. Dans ces villes émergentes à l’économie ainsi revitalisée, la demande pour les logements et bureaux s’en trouverait accrue, et par la même, les valeurs foncières et immobilières. Dans le grand Beyrouth par contre, le relâchement de la demande conduirait peut-être à une halte à la hausse des prix et à la fièvre spéculative dans l’immobilier. L’important enfin est que cette politique de la délocalisation est la seule qui puisse créer le véritable « développement équilibré » que prône la constitution.
  3. Un schéma directeur pour les transports urbains doit être développé pour réduire les encombrements dans les villes, surtout la capitale où les rues ressemblent davantage à des parcs de stationnement qu’à des voies de circulation. Les transports en commun auront un rôle important dans la solution de ce problème. Toutefois des mesures draconiennes devraient être envisagées tel que la restriction aux heures de pointe de l’accès des véhicules privés à certains quartiers de la capitale, dont le centre. Ces voitures devraient s’arrêter en des points spécifiés de la ville et stationner dans des parcs prévus aux alentours. Un service efficace de navettes assurerait le transport de leurs passagers vers leur destination en ville.
  4. Le développement des transports en commun apportera des améliorations certaines mais, là aussi, ne résoudra pas entièrement le problème. La géographie et l’éparpillement de la population dans prés de 900 agglomérations jusqu’aux coins retirés du territoire, notamment en montagne, font que la voiture individuelle restera un moyen de transport fiable et indispensable. De ce fait l’essence fera toujours partie des dépenses courantes du citoyen. Une grande composante de ce coût consiste des taxes perçues sur l’essence. Comme cela est fait dans certains pays, il sied d’étudier les conditions dans lesquelles les taxes sur l’essence pourraient être dédiées en priorité aux projets de transport et d’aménagement routiers.

/SElDaher, mars 2011